vendredi 12 mars 2021

Discussion sur le nécessaire distinguo entre « souci des victimes » et charité.



Réponses à des critiques d'Olivier Saout faites sur le fil du groupe Facebook « Théorie Sacrificielle » concernant l’article « Le mythe de l’innocence des foules victimaires »

Luc-Laurent Salvador © 12 mars 2021

 

OS :   Tu m'as dit d'être direct et sans pitié, donc…

    Dès le départ (pages 1-2), tu sembles faire une confusion :

    “La position de Girard vis-à-vis du victimaire surprend d’emblée car elle est étrangement conforme à la vision de Nietzsche qu’il n’a eu de cesse de critiquer et qui, ayant tôt perçu la montée du « souci des victimes » méprisait cette mentalité d’esclave qu’il attribuait au judéo-christianisme…

    Girard fait sienne cette interprétation et tient ce que, de manière plus explicite on pourrait appeler le victimisme pour une de ces « idées chrétiennes devenues folles » qu’évoquait Chesterton.”

    Or, Nietzsche et Girard ne parlent pas de la même chose. Nietzsche cible le souci des victimes promu par le judéo-christianisme (la "mentalité des esclaves"). Girard évoque lui « l'enjeu paradoxal des rivalités mimétiques, des surenchères concurrentielles » (JVS, chap. 13) qu'est devenu ce qu'il appelle le « souci moderne des victimes ».

    C'est peut-être une question de vocabulaire. Tout au long de l'essai tu recours à deux expressions qui semblent qualifier la même chose : 'souci victimaire' et 'victimisme'. Tu utilises « souci des victimes » (entre guillemets) uniquement, je crois, au sein de ta thèse (l'enracinement dans le “sacrificiel originel”). A aucun moment tu ne reprends l'expression « souci moderne des victimes » qu'utilise Girard, ce qui rend la lecture comparative assez difficile. D'ailleurs, tu n'utilises jamais non plus « souci des victimes » au sens des Evangiles, aspect qui, dans un essai portant en grande partie sur le christianisme, mériterait d'être abordé.

    Quelques autres extraits de JVS, en complément :

    Après avoir vanté les vertus du souci (chrétien) des victimes (chap. 13), Girard souligne dans le chapitre 14 que « Nietzsche fait tout pour discréditer la prise de position en faveur des victimes … Pour discréditer le judéo-chrétien, Nietzsche s’efforce de montrer que sa prise de position en faveur des victimes s’enracine dans un ressentiment mesquin. »

    « Nietzsche ne perdait jamais une occasion de fustiger le souci des faibles et des malades. En vrai don Quichotte de la mort, il condamne toute mesure en faveur des déshérités. Dans le souci des victimes, il dénonce la cause de ce qu’il prend pour le vieillissement précoce de notre civilisation, ’accélérateur de notre décadence. »

Page 3, tu écris : “les Evangiles ne peuvent pas être la source de l’idéologie victimaire qui domine actuellement les esprits.” De façon indirecte, ils en sont la source, puisque le souci chrétien 'originel' des victimes est devenu le souci moderne des victimes, qui serait lui-même, selon Girard, à l'origine des rivalités "victimaires". Ces dernières auraient été, toujours selon lui, préfigurées :

    « Dans notre univers, en somme, tout le monde se jette des victimes à la tête et le résultat final est celui que le Christ a annoncé dans des propos que le souci moderne des victimes éclaire pour la première fois :

    Il sera demandé compte à cette génération du sang de tous les prophètes qui aura été répandu depuis la fondation du monde, depuis le sang d’Abel...

    (Lc 11, 50-51) »

 

LLS : Je te remercie pour tes efforts de présentation sourcée de ta critique. Tu la rends ainsi légitime et entendable de sorte que je vois à présent la difficulté que pourrait poser à certains le fait que je distingue radicalement le "souci des victimes" de la charité chrétienne. Une mise au point semble bel et bien nécessaire.

    Pour aller droit à l'essentiel je dirais que, selon moi, Nietzsche autant que Girard confondent chacun a sa manière souci des victimes et charité de sorte qu'il est vain de rechercher des distinguos entre leurs positions respectives. Je ne peux le prouver mais, pour fixer les idées en faisant simple, on pourrait dire que Girard a imité Nietzsche en acceptant cette confusion. Mais il est évident qu'il ne la considère pas du même point de vue, de sorte que leurs discours peuvent différer en apparence alors qu'ils sont fondés sur la même confusion. You see what I mean?

    Ainsi lorsque tu dis qu'ils ne parlent pas de la même chose, je maintiens qu'ils parlent bien de la même chose, à savoir un "souci des victimes" que tous deux croient chrétien. Sauf que Nietzsche, lui, ne s'embarrasse pas du souci de présenter positivement la charité chrétienne et n'a donc pas besoin de la sauver avec l'explication de Chesterton. Il met tout dans le même panier et parle de mentalité d'esclave mais ce n'est pas la charité qu'il a dans le collimateur. Il vise ce dont, avec sa clairvoyance habituelle, il a perçu l'aspect maléfique qu'on appelle à présent le "souci des victimes" et qui est concerné par le ressentiment, terme axial s'il en est de la critique nietzschéenne. Car, il faut y insister, le ressentiment n'a rien, absolument rien de chrétien puisqu'il s'agit de l'énergie vindicative qui nait de la mauvaise réciprocité, celle-là même qui est explicitement interdite aux chrétiens (mais je ne nie pas que les populations chrétiennes y ont régulièrement cédé au cours de l'histoire).

    En définitive, "souci des victimes" et charité sont des "doubles" conceptuels si tu veux, des frères ennemis qui se ressemblent en apparence (d'où la confusion facile) mais qui sont aussi opposés que peuvent l'être Satan et le Christ, rivaux éternels depuis que Satan, le meilleur des anges, aspirait à la position de médiateur entre Ciel et Terre. Il s'est fait opposant au Christ (non serviam) lorsque Dieu l'a désigné comme son fils destiné à réaliser cette médiation entre Ciel et Terre. Satan est le double, l'"adversaire", rempli de ressentiment. De lui vient le souci des victimes, le désir de revanche. Nous sommes de plain pied dans la mauvaise réciprocité.

    Bref, tout ça pour dire que tu es toi-même dans cette confusion que tu ne fais que redire à ta manière lorsque tu écris : "De façon indirecte, ils [les Evangiles] en sont la source, puisque le souci chrétien 'originel' des victimes est devenu le souci moderne des victimes, qui serait lui-même, selon Girard, à l'origine des rivalités "victimaires". C'est une erreur d'affirmer cela ; la charité ne s'est JAMAIS transformée en "souci des victimes" pas davantage que le Christ ne pourrait se transformer en Satan. Le "souci des victimes" est "homicide depuis l'origine", il est de Satan, la charité est du Christ.

Si tu entends par charité l'aide matérielle et le soutien moral aux malades, orphelins, pauvres, sans ressources, accidentés, etc., alors on peut l'inclure dans le souci des victimes (ou des infortunés, dans le langage chrétien) au sens large, et cela sans invoquer le souci victimaire (que tu nommes « souci des victimes » quand tu le mets entre guillemets, si je comprends bien).

·          Non, bien sûr, on ne peut pas faire une telle inclusion. Tu persévères simplement dans l’usage commun (je l’admets) qui fait que M. Toulemonde quand il entend « souci des victimes » pense aussitôt à tout ce qui ressortit au domaine de la charité. C’est une erreur et le nombre de ses utilisateurs n’en fait pas une vérité.

·         Ce faisant, en t’adossant à cet usage sans le questionner dans sa nature, tu restes hermétique à l’hypothèse que j’avance d’une similitude suffisamment grande entre souci des victimes et charité pour qu’au cours du temps, avec les progrès du victimaire, on en soit venu à confondre les deux. Je ne sais pas si Nietzsche a été le premier à faire cette confusion ou à la thématiser mais, je maintiens (ma conviction) que Girard l’a imité et que Girard n’est pas le dernier à s’être engagé sur cette mauvaise pente.

 

La charité, appliquée à tous, ne concerne pas uniquement l'aide apportée aux victimes de persécutions issues du mécanisme girardien de la victime émissaire,

·         La charité n’a pas à être pensée en lien avec les éventuelles conséquences du mécanisme victimaire. Elle est un devoir chrétien, un devoir d’amour et donc de sacrifice (de soi)  qui concerne tous ceux qui se trouvent dans le besoin : les faibles, les nécessiteux, les pauvres, les malades, les enfants, les vieillards, les veuves etc. sans considération des causes de leur situation ET SANS QUE JAMAIS, A L’ORIGINE, CEUX-CI AIENT ETE VUS COMME DES VICTIMES, terme qui avait alors et jusqu’à récemment un sens très spécifique lié aux sacrifices rituels adressés aux dieux païens. Les rites chrétiens ne font pas de victimes (le pain et le vin) et il est interdit à un chrétien d’être (de jouer à la) victime. Donc je t’invite à mettre en suspens, au moins le temps de la discussion, cette confondante conception actuelle du « souci des victimes ».

 

car on ne peut évidemment pas considérer toutes les victimes ci-dessus comme des boucs émissaires. Je ne crois donc pas qu'on puisse faire de la charité et du souci victimaire des "doubles", même "conceptuels".

·         J’attends tes arguments sur ce point à partir de ce que j’ai avancé. Des réfutations en bon uniforme comme dirait Coluche ;-)

 

Je suis d'accord avec toi que 'la charité ne s'est JAMAIS transformée en "souci des victimes"' (au sens actuel de victimaire, pour toi, si je comprends toujours bien). Ce n'est d'ailleurs pas ce que j'ai écrit. Ce que je maintiens est que, *de façon indirecte*, ils en sont la source : le souci chrétien 'originel' des victimes (dont la charité, si tu veux l'appeler ainsi) a évolué au fil des siècles et a débouché sur le souci moderne des victimes (et ses réalisations concrètes et formidables).

·         Tu te contredis là puisque tu dis « je suis d’accord etc. » et après tu affirmes que l’une la charité a « évolué au fil des siècles » dans l’autre, son opposé, le souci des victimes. C’est comme dire le Christ a évolué au fil des siècles en diable. C’est impossible, c’est faux, et pour ce que j’en vois, tu n’as aucun argument pour défendre ça.

 

Ce souci moderne est aujourd'hui instrumentalisé de telle façon qu'il devient une arme, avec laquelle on se jette les uns les autres des victimes à la figure.

    Dit autrement, voici comment je le comprends. La charité universelle est inscrite dans les Evangiles, mais elle n'est pas issue de la révélation du mécanisme de la victime émissaire.

-       Ça on est d’accord !

 

Girard enracine le souci moderne des victimes et ses réalisations concrètes dans le chrétien, c'est-à-dire un souci (en principe) universel pour *toutes* les victimes (lire également [1]).

·         Girard est dans le confusion sur ce point, alors tu peux lui faire dire ce que tu veux…

 

Les Evangiles n'ont pas inventé le souci des victimes (malades, etc.) en tant que tel, qui existait déjà avant eux, mais de façon restreinte ; ils l'ont universalisé.

·         Ah oui, et comment ont-ils fait ça ?

C'est précisément pour cela qu'il est maintenant "en accès libre" et source de rivalités, alors qu'auparavant il était sous le monopole du Christianisme et de l'Eglise, avec toutes ses imperfections.

·         Le christinisme aurait-eu le monopole du souci des victimes ? J’ai le regret de te dire que c’est du délire. Même le monopole de la charité serait abusif.

 

Tu comprends peut-être mieux pourquoi je te propose de bien faire la distinction entre le souci humain (inné) pour les victimes, le souci des victimes "archaïque", et, surtout, le souci des victimes chrétien, son évolution vers le souci moderne des victimes, puis maintenant les rivalités ancrées dans l'idéologie victimaire.

·         Désolé, je ne vois là que gloubi-boulga. Impossible d’en faire sens tant, à mes yeux, il y a confusion à tous les étages. Te serait-il possible de ne plus te servir du victime en référence aux aspects chrétiens ? Car il n’existe rien de tel (sauf pour ceux qui sont dans la confusion moderne). Essaye de parler d’amour chrétien, de charité, d’agape et, tu verras, ce sera beaucoup plus clair pour toi comme pour moi.

 

Bref, selon Girard, les Evangiles réhabilitent les victimes collectives et dénoncent leurs persécuteurs.

·         Non, ça c’est pas les Evangiles qui ont fait ce boulot. Ils sont simplement héritiers de la Torah, mais, justement, ils l’accomplissent en mettant un terme au victimaire. Quand le comprendras-tu ?

 

Soit. La "charité" universelle inscrites dans les Evangiles, c'est autre chose. C'est le 'souci des autres chrétien' (de *tous* les autres), qui inclut les victimes, au sens large, que j'ai énumérées au début.

    Enfin, je répète, si tu ne distingue pas dans ton vocabulaire les différentes significations du souci des victimes, éventuellement sous la dénomination girardienne, on n'y arrivera pas.

·         C’est amusant de lire ça sous ta plume car c’est exactement le reproche que je voudrais te faire. Je te demande même, pour être plus clair, d’entendre qu’à l’exception du sens originel en contexte de sacrifice rituel de nature religieuse, j’identifie complètement victime et victimaire. Quand tu parles de victimes j’entends victimaire. C’est pourquoi, selon moi, tu fais pour moi des contresens à tout propos dès lors que tu t’en sers en contexte chrétien. Aussi paradoxal que cela puisse sembler les chrétiens ne s’occupe pas des victimes. La charité s’adresse à tous ceux qui sont dans le besoin. Maintenant, il est vrai, les modernes et surtout les postmodernes voient les bénéficiaires de la charité comme des victimes dont on prend soin. Là est la confusion, là est l’erreur. Il faut absolument distinguer ces deux registres.

 

[1] JVS (ch 13) Depuis le haut Moyen Age, toutes les grandes institutions humaines évoluent dans le même sens, le droit public et privé, la législation pénale, la pratique judiciaire, le statut des personnes. Tout se modifie très lentement d’abord mais le rythme s’accélère de plus en plus et, vue de très haut, l’évolution va toujours dans le même sens, vers l’adoucissement des peines, vers la plus grande protection des victimes potentielles. Notre société a aboli l’esclavage puis le servage. Plus tard sont venues la protection de l’enfance, des femmes, des vieillards, des étrangers du dehors et des étrangers du dedans, la lutte contre la misère et le « sous-développement ». Plus récemment encore on a universalisé les soins médicaux, la protection des handicapés, etc.

·         Ces aspects historiques que rappellent Girard sont intéressants en soi mais preuves de rien pour le débat qui nous occupe dès lors qu’is ressortissent pour leur plus grande part à la période post-révolutionnaire, c’est-à-dire, la période que Serge Moscovici a baptisé judicieusement « l’Ere des foules ». Nous sommes donc déjà dans le victimaire jusqu’au cou et cela ne doit rien à la Chrétienté en tant que telle car l’Eglise est l’ennemi public n°1 de la bienpensance progressiste, libérale et révolutionnaire à l’occasion qui flatte les foules avec du « souci victimaire » pour mieux les manipuler, comme les élites ont toujours fait depuis la fondation du monde.

·         S’il est une chose à laquelle l’Eglise a beaucoup contribué c’est le respect de l’individu, de la famille en faisant par exemple obligation aux esclavagistes de ne pas dissocier ces dernières de sorte que les enfants restaient auprès des parents, ce qui a amené l’évolution vers le servage. Mais nulle part il n’était alors question de victime. C’est nous qui, dans nos automatismes victimaires culturellement acquis ne cessont de projeter cette notion partout.

 

Mes commentaires précédents me semblent a posteriori trop négatifs. Si j'insiste sur ces problèmes de définition, c'est parce que le sujet m'intéresse, et que plusieurs des arguments de ton essai me paraissent fondés.

    Pour étudier les aspects retors de l'idéologie victimaire, je pense qu'il faut d'abord essayer d'identifier les multiples avatars du souci des victimes, en partant de celui qui nous habite tous, en tant qu'êtres humains, sociaux et tribaux. A partir de là, on peut essayer de retracer l'évolution de son expression sur les plans culturels, religieux, historiques, etc.

    Le sujet central de ton essai concerne l'origine du souci victimaire et de ses dérivés modernes.

·         Vois-tu ici (souligné) ton refus d’intégrer que je ne vois pas de dérivés modernes au souci victimaire. Je le vois inchangé depuis la fondation du monde. C’est les confusionnistes dont tu fais partie qui ont besoin d’opérer une transformation afin de pouvoir lui assigner fallacieusement une origine chrétienne.

 

En particulier, la transition judéo-chrétienne semble être un point de bascule essentiel pour son étude, dans les pas de Girard. Je n'essaie pas de compartimenter le souci des victimes dans des cases isolées, telle une taxonomie, mais au contraire d'étudier les relations entre les unes et les autres et surtout leur évolution historique, cela afin d'éclairer les recoins de l'idéologie victimaire qui secoue les sociétés modernes (surtout occidentales). Tout cela sans perdre de vue qu'il y a de réelles victimes (depuis la fondation du monde).

·         Qu’est-ce que tu veux dire là ? Pourquoi introduire ce distinguo réelle et fausse victimes si ce n’est pour tenter de sauver encore le confusionnisme qu’induit le terme de victime dans son usage actuel ?

 

LLS : Décidément, il nous faut une définition très précise du terme victime !

*          *

*

 



2 commentaires:

  1. Je viens de lire la publication sur ton blog. Plutôt que de me répandre point par point, je réponds d'abord en bref, avant tout pour clarification. Je copie ce commentaire sur le blog.
    Il faut en effet se mettre enfin d'accord sur ce que recouvrent exactement les termes "victimes" et les différents "soucis" qu'elles suscitent. Cependant, la divergence initiale se situe avant tout entre toi et Girard. Or, puisque tu a démarré ton essai en te référant à Je Vois Satan, j'ai jusqu'ici trouvé cohérent d'utiliser sa conception de ce que sont les victimes – assez large, il est vrai – et les différents "soucis" (des victimes, moderne des victimes…) qu'il décrit, tout en proposant des distinctions pour étayer certains de mes propos. Et tout cela afin de discuter ensuite du "victimaire", tel que tu le présentes.

    Je t'ai déjà demandé à plusieurs reprises de définir ce que tu entends par : le souci des victimes, « le souci des victimes » et le souci victimaire (voire même le victimisme, la victimisation et l'idéologie victimaire, si tu veux…) ; et de les juxtaposer avec l'acception de Girard. J'attends toujours. Car, très souvent, vous ne parlez pas du tout de la même chose.

    Deux exemples de "souci de vocabulaire", pour essayer de cerner les sources de confusion :
    1) Les victimes. Leur statut (de victimes) est-il perçu comme tel *uniquement* par les personnes ou communautés qui se pensent victimes ?
    2) Le souci des victimes. Est-ce uniquement pour toi le désir de revanche *des* victimes, telles qu'elles se perçoivent ? Si c'est le cas, tu vois tout de suite que tu diverges totalement de l'approche de Girard, qui considère que c'est avant tout le souci (la perception, le sentiment) ressenti de l'extérieur *pour* les victimes.
    Sans ces précisions, je le répète, on va tourner en rond.
    Si tu réponds uniquement sur ton blog, ajoute une notification ici stp
    NB : utilise mes initiales plutôt que mon nom sur le blog

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  2. Je suis désolé de t'avoir laissé le sentiment de ne pas répondre à tes demandes de clarification.
    Il me semble que je ne fais que ça mais j'ai dû louper quelque chose.
    Sans doute aurais-je dû expliquer que ma pensée est comme celle de Girard, fondamentalement réductrice.
    Ce qui veut dire que je ne m'embarrasse pas de nuances tant qu'elles ne deviennent pas nécessaires, comme cela arrive parfois.
    Donc ici, en dépit des fois où j'ai pu, je le regrette laisser à penser que j'attribuais un sens spécial à "souci des victimes" parce que je le mettais entre parenthèse, il n'en était rien. Je ne faisais que dire "je reprends une notion convenue : le souci des victimes tel que formulé, par exemple, par JP Dupuy". C'est beaucoup et c'est rien de spécial.
    Donc essayons d'aller droit à l'essentiel.

    L'opposition que je m'efforce de donner à voir et du même ordre et de la même ampleur (à mes yeux) que l'opposition que Girard a mis tant de temps à intégrer concernant le sacrifice qu'il rangeait dans l'hétérosacrifice sans vouloir prendre en considération le sacrifice de soi chrétien.
    Il a eu son "tournant" à ce sujet en reconnaissant après coup que la Passion était bien sacrificielle (lors même qu'elle était censée anéantir le sacrificiel, c'était ça son problème) et, dès lors, il n'est pas exclu qu'il y ait d'autres "tournants" à négocier pour la théorie sacrificielle.

    Partons de l'opposition RADICALE entre charité et vengeance, elle est visible pour tout le monde n'est-ce pas ?
    Eh bien, disons que c'est celle qu'on peut observer au stade de la genèse archaïque du sacrificiel : au sommet de la crise mimétique, quand chacun est dans la réciprocité violente et rend coup pour coup tous azimuts, comme je l'ai expliqué à Nicolas M. je crois, chacun est dans un souci victimaire à son propre égard, souci qui s'affirme dans la réponse violente à la violence reçue et qui constitue tout simplement une vengeance minuscule répétée à l'envi et à l'encontre de presque tous les membres du groupe.

    A l'origine, la mimesis est toute entière dans la réciprocité violente et le seul "souci des victimes" qui apparaissent est intégralement égoïste, c'est un souci de soi, au mieux un souci de ses proches. Il débouche uniquement sur une réponse violente, une vengeance qui démarre ou entretient le cycle de la violence et via la contagion mimétique mène fatalement à la seule issue possible : le sacrifice violent seul à même d'assurer la réconciliation du groupe.

    Donc le souci victimaire en tant qu'identifiable à la vengeance est LA condition sine qua non de la violence sacrificielle, c'est pourquoi il peut être dit qu'il est homicide dès l'origine, il est du côté du diable et nourrit le Logos héraclitéen par lequel Satan expulse Satan.

    Ce qui serait intéressant de comprendre dans le détail c'est comment à partir là, forcément via la révélation vétérotestamentaire de la violence collective contre une "victime", on a pu déboucher à terme, avec la révélation évangélique, sur l'idée que la charité chrétienne pourrait incarner une forme de "souci des victimes". ça c'est le signe sûr d'une emprise "diabolique" (au sens de ce qui contribue à la division) sur les représentations et les mentalités.

    Quoi qu'il en soit, pour le moment, tu as là je crois une vision très claire de ma position : j'ai les yeux fixés sur l'origine, là où se fixent les positions et les oppositions. Tout ce que viendra par la suite, qui va brouiller les cartes, m'apparaît comme de l'enfumage "diabolique" (le guillemet signifiant que même le non croyant peut ici faire sens de ce terme sous l'angle déjà évoque, celui de porter la division). La charité n'a rien à voir avec la vengeance. Elle n'a rien à voir avec le souci des victimes.

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Discussion sur le nécessaire distinguo entre « souci des victimes » et charité.

Réponses à des critiques d'Olivier Saout faites sur le fil du groupe Facebook « Théorie Sacrificielle...